Toujours un coup d'avance! [Attelage Harshtone ]

La chienne avait été assez surprise de voir que leur maître avait prévu un nouvel entraînement aujourd’hui. Les jours précédents avaient été ardus, autant pour les plus jeunes que les plus vieux. Même Süni avait eu le droit à son lot de tâches et, allant de paires, les réprimandes face à son manque de vitesse, de rudesse dans certains cas. Quelques tapes avaient été son lot, comme pour beaucoup d’autres, quelques remontrances de l’Alpha et c’était repartit pour un tour. Mais les entraînements avaient beau être rudes, la femelle voyait son temps s’améliorer, ses muscles devenir plus fermes encore… Cela marchait.

Mais Kohl semblait aujourd’hui tirer la patte… La chienne faisait de son mieux, comme tous les autres mais commençait rudement à s’inquiéter pour son alpha… D’autant que leur maître semblait plus que irascible en cette journée. Dans un effort supplémentaire, la chienne suivit le nouveau rythme que voulait imposer le mastodonte. Elle sentit ses muscles tirer sous l’effort mais elle remarqua aussi qu’ils avaient tout de même une meilleure pointe de vitesse qu’avant et que le poids du traîneau était largement réduit par les deux chiens de barre ! S’adaptant à ce nouveau rythme, Süni se laissa même aller à sortir quelques secondes sa langue sur le côté : elle était heureuse de pouvoir galoper comme ça ! C’était dur mais curieusement des plus agréables !

Et s’ils faisaient une bonne course, peut-être que leur maître leur donnerait une récompense qui en valait la peine ? Perdue dans ses pensées, Süni fût ramener à la réalité par un changement brusque : on ralentissait à nouveau ou elle s’était habituée à la vitesse ? Perplexe, elle chouina entre plusieurs respirations et saccades liées à la course :

« O-… On ra-… Len... tit ? »

Osa-t-elle demander. Non ce devait être son imagination.

Ce matin très tôt, John était venu les chercher. Comme toujours, l'homme avait attaché chaque harnais de chacun de ses chiens au traîneau. Anoki le premier, s'était retenu de japper en comprenant qu'aujourd'hui, c'est son musher qu'il allait tracter, et non ces stupides rondins de bois même pas fichus d'être vivant. Puis, ils avaient bifurquer. Direction : le Grand Désert Blanc. Placé à côté de la belle Yaska et derrière le féroce Kohl, le qimmiq rouge et blanc se sentait désormais à sa place. Et il était grand temps, car dans quelques jours seulement, la meute serait entrain de remporter l'Ouka Road, cette grande compétition de traîneaux !

Mais Anoki, et surement comme tous ses compagnons, était aujourd'hui ralenti par l'Alpha lui-même. Quelques mois auparavant, il aurait sans doute eu l'audace de casser les rangs pour courir aux côtés du grand malamute. Mais quelques coups de crocs bien placés lui avaient enseigné qu'il était formellement interdit de se comporter comme un chiot en plein effort de groupe. Alors, au lieu de s'adresser directement au coupable, l'esquimeau canadien glissa un regard vers son binôme de pointe, lui dit assez bas pour que seule elle puisse l'entendre :

« Mais c'est qu'i's'fait vieux le Kohl ! »

Puis il libéra un petit rire satisfait. Cette intervention l'avait assez déconcentré pour qu'il n'entende même pas les indications de son maître. Ainsi, lorsque le leader de l'attelage se mit à accélérer d'un coup, Anoki faillit se retrouver la tête plantée dans la neige, ou fracassée contre la glace. Ses pattes avants, alors chargées de sauver sa petit truffe grise, prirent du retard sur le reste de son corps, si bien que le chien de pointe fit un vague moulinet avant de retrouver une position et une allure normale. Le chien à l'épaisse pelisse bicolore sauva tant bien que mal son honneur en adoptant finalement l'allure pressée du reste de l'attelage.

« L'est fou celui-là ! » haleta-t-il alors pour lui-même.

HRP:

L'attelage continua de voguer, chaque chien le composant redoublant d'ardeur, quitte à n'en plus pouvoir. Cela sembla plaire à John puisqu'il leur adressa même une de ses petites phrases types, allant même jusqu'à les traiter de mauviettes. D'aucun les prendrait mal ces remarques, mais les chiens du musher étaient tant habitués que Süni était persuadée que même le plus rétif des membres serait, d'une certaine manière, heureux d'entendre un tel "compliment". C'était une manière de les booster plus encore qu'ils ne l'étaient déjà. Et la chienne d'équipe se sentit pousser des ailes : elle décida de tenir la cadence, faisant le lien entre la vitesse de devant et le tractage de l'arrière.

Car tel était son job : faire un lien indestructible, à la fois être capable de soutenir les chiens qui tiraient les charges en appuyant elle-même pour tirer, et à la fois savoir amener et garder la vitesse des chiens de devant, là pour leur agilité. Elle se devait d'être à l'écoute des deux parties et de toujours avoir en tête de suivre le mouvement et plus encore de l'accompagner, de le prendre par la main, comme un enfant. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Plus ils galopaient à toute allure, plus la chienne se sentait... Bien. Il n'y avait pas d'autres mots. La langue sortie, elle continuait sa course avec ses compagnons, bien que finalement elle ne soit pas forcément très proche d'eux.

Mais le temps commençait à l'inquiéter. Bien que leur vitesse était bonne, le brouillard qui se profilait allait les ralentir, non ? Elle couina, jappa, questionnante envers son alpha et les deux bêtas de la meute : c'était à eux de mettre la bonne cadence pour qu'il n'y ait aucun accident. Elle, elle ferait tout pour que rien ne dérape, que la charge n'écrase pas ses compagnons et que la vitesse ne tue pas les moins endurants.

HRP: