La poste à Konik [PV Siri - Mission]

Nimutt avait aujourd’hui décidé de participer aux travaux de la ville. La voix ferrée avait été endommagée dernièrement et depuis, plus aucunes lettres ne parvenaient à la petite ville. Les habitants étaient inquiets à l’idée de ne plus recevoir de nouvelles de l’extérieur et pour y remédier, des chiens avaient été choisis parmi les attelages afin d’en former un tout autre nouveau, qui aurait pour mission de rapporter sain et sauf le courrier.

Siri en faisait parti. Placé derrière le leader comme il en avait l’habitude, le chien de pointe n’avait pas dit un mot et n’en dirait pas un, pleinement concentré sur ce qui se passait autour. Ses camarades du jour étaient naturellement excités à l’idée de partir en expédition...

Et d’autres l’étaient moins. Le temps n’allait peut-être pas jouer en leur faveur et ils le savaient. Depuis le début de l’hiver, les températures avaient dangereusement baissées et les tempêtes temporaires de neige n’avaient cessées.

Qu’importe, Siri était fin prêt. Parfaitement stable sur ses larges pattes, un calme plat se lisait sur les traits de son visage tandis que les premiers et derniers mots de la leadeuse, Ulaya, se faisaient entendre.

Elle semblait heureuse d’être ici et il faut croire que sa joie était contagieuse, puisque plusieurs chiens furent requinqués. Lui répondit d’un simple geste de tête, les yeux rivés vers l’horizon.

Les ordres du musher ne tardèrent à se faire entendre et dès lors, la Deepbreath s’élança petit à petit. Derrière elle, le Nimutt fit de même, se calant sur son rythme pour être sûr d’être parfaitement synchroniser. Avec les larges foulées dont il était parfois capable, ce détail lui était essentiel.

Les oreilles droites, attentif, il ne quitta pas le long chemin qui les attendait des yeux.

Ils passèrent le sous Bois, puis s’élancèrent vers le Grand Désert Blanc. L’attelage avait finement accéléré, tandis que Siri avait levé silencieusement son regard vers le ciel grisé et noirâtre à l’horizon. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que le temps ne se retourne contre eux.

Les premières gouttes de pluie étaient apparues et la neige s’en gorgeait, donnant une piste humide et de façon inquiétante, particulièrement glissante. Le chien Nimutt avait étiré les doigts de ses pattes pour élancer un peu plus ses griffes, crissant désormais contre la terre qu’ils foulaient. Le verglas était impardonnable, mieux valait-il être prudent.

La voix d’Ulaya s’éleva rapidement, surement également alertée par l’état du terrain. Mais au moment où elle allait donner son ordre, l’humidité eut raison de l’une de ses pattes, qui dérapa et manqua d’emporter la leadeuse avec.

La chienne galérait pour se redresser et d’instinct, Siri tira prudemment sur son harnais pour pouvoir se retrouver à la hauteur de la Deepbreath, jusqu’à pouvoir l’épauler et faire obstacle à sa potentielle chute.

En utilisant la largeur de ses pattes pour répartir correctement son poids, sa queue pour maintenir son équilibre et ses griffes pour maintenir une accroche au sol, le chien de pointe avait réussi après quelques secondes de lutte à maintenir correctement sa position, pour éviter de flancher lorsque qu’il laissa Ulaya s’appuyer sur l’une de ses épaules.

Il baissa son regard vers elle et quand son équilibre fut retrouvé, Siri dût ralentir lentement pour pouvoir revenir à sa place sans se mettre en danger, ainsi que laisser la lignée derrière lui suivre le rythme, sentant parfois quelques secousses dans les harnais.

Avec ce temps, est-ce qu’ils seraient revenus avant la nuit ? Lui, avec Nimutt, avait l'habitude des courses dans la nature sauvage et du climat changeant, mais quand était-il des autres chiens. Il n’était sûr de rien, mais ils verront sans doute.

Sentant l’adrénaline de la situation redescendre progressivement mais la peur de déraper continuait à être présente, le chien Nimutt relâcha un nuage de buée dans un soupir calme, décompressant en silence tout en ne quittant pas l’horizon des yeux.

Le rythme se mit à ralentir peu à peu sous les ordres du musher, alors que le sol lui devenait à chaque goutte de pluie un peu plus glissant. Les secousses sur les cordes faisaient tirés les oreilles de Siri, qui aux aguets, avait le pressentiment qu’un accident allait arriver d’une seconde à l’autre. Tous étaient bien trop excités pour tenir debout, y compris le chien roux à ses côtés, Shellby.

Et ce qui devait arriver, arriva. Le chien de pointe voisin chuta d’un seul coup, emportant avec lui son massif binôme qui n’eut d’autres choix que se coucher pour éviter qu’ils ne s’étranglent tout deux avec leurs harnais.

Les oreilles couchées sur son crâne, le bâtard détourna simplement son regard vers l’husky pour s’assurer qu’il n’avait rien, tandis que Clark se rapprochait en même temps qu’Ulaya. Heureusement plus de peur que de mal.

Reportant son attention sur Ulaya lors de la mention de son nom, Siri se redressa finalement en même temps que Shellby, prenant quelques secondes pour s’ébrouer et ainsi se débarrasser du trop plein d’eau qui l’alourdissait. Un geste que d’autres chiens avaient certainement dût avoir également. L’attelage semblait s’être calmé suite aux incidents et aux avertissements de la leadeuse et de l’humain.

Surement était-ce pour le meilleur, plus ils seraient concentrés, moins ils feraient de faute. Le Nimutt se remit en place, plissant les yeux face à l’humidité et fin prêt à se remettre à courir. Il ne manquait plus que le signal de Clark.

L'attelage repartit donc de plus belle dans la tempête, Ulaya tenait bon et tachait de ne pas être inquiète mais elle ne voyait pas bien loin. Elle gardait cependant la tête froide et continuait de courir vers l'avant, les mâchoires serrées et le regard dur. Elle accéléra lorsque Clark le demanda.

Cependant elle sentit bien vite la vague de nervosité dans l'attelage. On était perdu. On n'y voyait rien, on semblait galoper dans le vide et les autres commençaient à douter sérieusement de sortir de là vivant. Le vent mordait la peau même sous les fourrures, la neige effaçait les traces, les empêchant de voir s'ils tournaient en rond ou pas. Par ailleurs sentir son musher nerveux serra le cœur d'Ulaya. Si même Clark était peu rassuré alors....

Non. Justement, elle devait tenir bon, pour eux et pour son musher. Motivée, Ulaya, crocs serrés, tourna la tête vers l'attelage en ralentissant l'allure jusqu'à s'arrêter.

- Cessez de paniquer, le vent est mordant, la neige tombe et on y voit peu, je vous l'accorde. Mais vous êtes de fiers chiens de traîneaux, vous faites partis des meilleurs sinon vous ne seriez pas ici. Nous avons le devoir de rester calme, de nous serrer les pattes et tous ensemble nous sortirons de là et nous ferons la joie des habitants de Konik !

Elle avait parlé d'une voix forte, à la fois presque maternelle et encourageante. Elle prenait soin de regarder dans les yeux de chacun pour essayer de leur transmettre toute sa chaleur et sa motivation.

- Continuons bravement notre route et je suis certaine que bientôt, nous trouverons le train. Vous devez me faire confiance et faire confiance en notre musher.

Disant cela, elle avait coulé son regard vers Clark, aboyant dans sa direction comme pour le réveiller et lui faire reprendre son calme. Ceci fait, elle se tint prête à repartir.

Le signal retentissant, l’attelage se remit en route à un rythme correct, jusqu’à ce que le sol soit de nouveau praticable. Ils accélèrent alors et Siri en fit de même après avoir jeté un regard en biais à son binôme, se synchronisant sur ses foulées. Malgré qu’il piaille pour deux et plus, l’husky roux n’était pas un mauvais partenaire.

Le vent s’était levé, emportant avec lui des monticules de neige qui recouvraient toutes traces ou même l’horizon, disparaissant dans une nappe blanchâtre. Leurs repères se réduisaient petit à petit, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.

Le mâle noir sentait sans peine l’anxiété des autres chiens face à ce nouveau dilemme, mais à aucun moment celle-ci ne l’avait atteint. Ils ralentirent, jusqu’à même s’arrêter. Ulaya, qui jusqu’à là n’avait rien dit, se retourna vers eux pour calmer les plus agités, faisant détourné ses oreilles sur les côtés. En tant qu’ancien chien chaspa, cette situation lui était familière.

Reportant son regard vers le Désert, le chien de pointe se rapprocha d’un pas de l’husky.❝ ... Nous avons courus en ligne droite jusque maintenant... ❞ prononça-t-il avec un ton monotone, pour la première fois depuis le début. ❝ ... Si nous dérivions un peu en diagonale, peut-être que cela nous aiderait... ❞

Dans tout les cas, ils finiraient bien par tomber quelque part, si ce n'était pas sur le chemin de fer.